"Plus j'y réfléchis plus je sens qu'il n'y a rien de plus réellement artistique que d'aimer les gens." Vincent Van Gogh
CHAPITRE 1
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"C'est pour la visite ? Attendez un instant". L'homme de l' Agence qui consultait son smartphone ne leva même pas les yeux vers Miliane qui, à contre-jour dans l'immense hall d'entrée baigné de soleil de l'immeuble, n'était plus qu'une ombre noire.
Ils se dirigèrent vers l'ascenseur. "Vous avez de la chance. C'est le dernier jour aujourd'hui car dès demain l' Agence fermera jusqu'en septembre." Et tout en appuyant sur un bouton l'homme regarda attentivement Miliane dans les yeux : "Vous n'êtes pas superstitieuse au moins ? C'est au 13ème vous allez voir : la vue est splendide. L' appartement a été bien évidemment remis à neuf entièrement." Puis, d'une voix murmurée, froide et ne s'adressant qu'à lui-même : "Le locataire d'avant nous avait vraiment rendu la vie impossible."
Arrivés à l' étage il dit à Miliane : "Vous voyez : dès qu'on sort de l'ascenseur on trouve en face un peu à gauche la porte de l'appartement. Pour entrer c'est facile, si l'appartement vous convient, l' Agence mémorisera l'empreinte de votre main gauche et pour ouvrir la porte vous n'aurez plus qu'à poser la paume de votre main dessus. Regardez : c'est tout simple. Et voilà !"
L'homme s'effaça pour laisser Miliane découvrir l'appartement.
En entrant la première pièce sur la gauche était la cuisine. Bien agencée, claire et spacieuse. Presque trop. L'homme semblait lire dans les pensées de Miliane car il s'empressa de lui dire en ouvrant des placards : "Ho ! Si vous aimez, ne serait-ce qu'un tout petit peu, cuisiner, alors vous n'aurez que l'embarras du choix : celui de votre gourmandise !"
Cette cuisine immaculée renvoya Miliane à ses années d'étudiante où même pour ranger une casserole il fallait avoir de l'adresse et beaucoup d'inventivité.
"La cuisine donne sur le Parc des Avalanches et aussi, bien sûr, sur l'océan que l'on peut voir à droite. Le soir au coucher du soleil cette vue sur les pins et l'océan est une bien belle chose".
Miliane n'écoutait pas vraiment : elle venait, très intriguée, de voir une petite marque sur l'une des dalles du carrelage, oui une sorte de petite croix bleu clair que l'on remarquait à peine.
". .. ...Oui oui cela doit être très très beau en effet" dit Miliane en rejoignant l'homme qui était en train de faire coulisser une grande baie vitrée.
Ils restèrent quelques instants à parler du panorama éclatant qui s'offrait à leurs yeux, de l'odeur des pins et des embruns puis l'homme invita Miliane à venir voir les autres pièces de l'appartement : "Vous allez voir ! Vous n'avez pas tout vu !". Alors qu'elle allait sortir de la cuisine, Miliane se retourna quelques secondes pour être bien certaine de se souvenir de l'endroit du carrelage où était inscrite la petite croix bleue.
"Très belle cuisine en effet" dit Miliane à l'homme qui l'attendait à l'entrée du couloir.
"Et cette porte en face de la cuisine : c'est quoi ?"
"Ça ? C'est un... ...débarras" répondit l'homme tout en commençant à longer le couloir.
"Je peux le voir si cela ne vous embête pas... ...trop."
L'homme se retourna alors lentement et Miliane vit dans son regard une sorte d'interrogation liée à toute autre chose que la demande somme toute recevable qu'elle venait de formuler, et qui contredisait à la fois le sourire de pure forme qu'il lui faisait et le vernis obséquieux de sa voix : "Mais... non... pourquoi voudriez vous que cela m'embête... ...je vais vous... le montrer. Mais ce n'est qu'un tout petit débarras pour l'aspirateur et quelques... produits d'en-tre-tien.
Puis, tout en regardant sa montre il ajouta "Bon, après tout, il nous reste encore un peu de temps. Allez-y : Si si ! Vous pouvez ouvrir la porte elle n'a pas de serrure. Il y a un interrupteur sur votre gauche pour y voir plus clair."
Miliane en allumant eut un mouvement de recul. Cette petite pièce soudain inondée de lumière, parfaitement propre, méticuleusement bien rangée procurait pourtant un sentiment de malaise. Sur des étagères à claire-voie en métal étaient rangés des tas de produits ménagers, des détergents, des rouleaux de sacs poubelles, de PQ, des paquets de serviettes en papier, des savons., une caisse à outils et tout un tas d'autres choses, sans oublier l'aspirateur. Tout était absolument neuf et semblait avoir été acheté le matin même. Ce débarras était un véritable tableau hyperréaliste : à croire que personne, absolument personne n'y était jamais entré.
"Sauf moi" pensa Miliane en éteignant la lumière.
"Allons voir maintenant le Grand Salon face à l'océan au bout du couloir, c'est je crois, la pièce qui vous avait le plus impressionnée sur notre dépliant, la réalité va vous émerveiller j'en suis sûr !" dit l'homme avec cette fois une amabilité chaleureuse non feinte et bien réelle qui ajouta à l'impatience joyeuse qu'avait Miliane de voir enfin pour de vrai ce Grand Salon qui allait sans aucun doute confirmer sa décision déjà prise !
Miliane oui fut émerveillée dès qu'elle entra dans ce Grand Salon. Toute éblouie aussi par l'océan tout mouillé de soleil qui semblait prolonger les murs bleu pervenche jusqu'à l'horizon infini. Tout était comme sur la photo du dépliant. Miliane amusée comme une enfant n'en revenait pas ! Aussi, pendant que l'homme était en train d'ouvrir en grand les hautes portes-fenêtres donnant sur un balcon terrasse, Miliane sortit le dépliant de son sac tant elle était littéralement charmée par le fait que tout soit rigoureusement identique. Tout ? Ha non : sur la photo du dépliant on pouvait voir une sorte de serviette en cuir sur l'un des deux sofas. "Ho ! Ça alors !!!... ..." Miliane n'en croyait pas ses yeux : là sous l'un des sofas un petit coin de cuir marron dépassait à peine. "Serait-ce possible que..."
"Venez voir ! Le balcon terrasse va vous plaire aussi !" Miliane repoussa du pied le coin de la serviette en cuir et alla vite rejoindre l'homme de l' Agence : il ne fallait à aucun prix qu'il s'aperçoive lui aussi de la présence de cette serviette en cuir cachée sous l'un des sofas.
... /...
fait
partie
de :